samedi 20 novembre 2021

Le Chemin des Limbes (roman 144 pages, Bernard Campiche Editeur)



Fribourg 1960… L’été approche, quand un jeune prêtre, enseignant au collège Saint-Michel, se trouve impliqué dans le drame de deux adolescents. C’est le début d’un long secret qui hante les dessous d’une famille apparemment sans histoires… Ce Chemin des limbes nous emmène dans le pays des faiseuses d’anges, des filles-mères et des enfants nés sans père. Une immersion dans les consciences où chacun cultive son repentir, un chemin de croix sous un ciel que le brouillard dispute à la lumière.

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Blog du Centre Francophonie de Bourgogne, 9 mars 2023

Ce roman, construit en puzzle, nous heurte aux façades bien pensantes et à la raideur bourgeoise. Tout au long des pages, le lecteur découvre, choqué, les pratiques et dérives en contradiction avec les principes de charité et d’amour du prochain.

 Le récit

Gilles est un jeune prêtre fraichement nommé professeur dans une institution religieuse. Parmi ses élèves, Didier ; il semble différent, énigmatique et, par ailleurs, attiré par la poésie. Un jour, Gilles croise Didier en compagnie d’une jeune fille auprès d’une fontaine. Rien de bien anormal à cet âge des flirts, mais les deux jeunes gens se séparent aussitôt. Or, quelques jours après, ce même Didier se supprime. Consternation dans l’institution et pour ce jeune professeur. Et autre hasard. Quand cet enseignant vient se recueillir sur la tombe de son ancien élève, il retrouve la jeune fille de la fontaine. Elle lui confie qu’elle est enceinte de Didier et qu’elle veut avorter. Impensable pour un croyant et prêtre de surcroit. Pour cette famille connue, bien en vue dans la ville et fréquentant l’église, c’est un déshonneur. Il convient vite, d’éviter le scandale. Famille, institution religieuse et Gilles, ému par le sort de cette jeune fille, vont se mobiliser pour éloigner le nouveau-né, un garçon. Et la jeune mère doit promettre de ne jamais chercher à le revoir. Entre coup de foudre et prêtre défroqué, l’imbroglio est à son comble et le silence est un mal difficile à porter surtout pour la mère qui souffre de ne pas connaitre son 1er enfant. Elle se mariera, aura une fille unique et le couple vivra dans un milieu étouffant et conformiste. Cette jeune fille unique connaitra l’ennui et s’éloignera de ses parents. Son père avant de mourir, lui confiera un secret ; l'existence d'un demi-frère. Commencera alors une quête. On y découvrira un enfant blessé car abandonné, l’existence de sévices en tout genre dans ces institutions religieuses chargées d’accueillir ces orphelins.

Roman intense à suspens, dont les chapitres sont des prénoms, sortes de plots sur lesquels on saute à pieds joints pour découvrir la suite. Le lecteur reste bouleversé par cette histoire.


La Côte, 27 juillet 2022

Un roman historique d’une actualité brûlante

Dans son dernier opus, Frédéric Lamoth reprend une nouvelle fois des affaires du passé qui ressurgissent dans l’actualité, il raconte les grossesses non désirées, l’avortement et le placement d’enfants dans les années 1960.

«On disait que ce n’était pas si dangereux. Beaucoup de filles étaient passées par là sans que personne ne le sût jamais. Les faiseuses d’anges vivaient dans les hameaux en dehors de la ville.»
Cette citation est extraite de Le Chemin des Limbes, le dernier livre de Frédéric Lamoth, médecin et romancier habitant Nyon. «Faiseuse d’ange» ainsi désignait-on autrefois celles qui mettaient clandestinement un terme aux grossesses non désirées d’autres femmes. Cette expression est aujourd’hui désuète dans le langage courant des Suisses puisque l’avortement est légal dans notre pays depuis 2002. Mais au vu des récents événements , il est légitime de se demander pour combien de temps encore?
Dans Le Chemin des Limbes, l’écrivain à ses heures perdues «en général dans le train», confie-t-il – relie l’actualité suisse avec les zones sombres et ruses de l’Histoire. Fribourg dans les années 1960, deux adolescents, une grossesse, un dilemme, il faut comprendre l’impasse dans laquelle se trouvent ces filles à l’époque, explique Frédéric Lamoth.
Les femmes étaient en ce temps-là seules responsables des «enfants nés sans père», ainsi qu’on les désignait. Elles devaient les déclarer et les assumer. Elles risquaient également des mesures d’internement pour ce qui était considéré comme une faute morale grave. Restait la possibilité d’avorter, mais clandestinement, la procédure comportait de nombreux risques, notamment à cause du manque d’hygiène.

Fêlures héréditaires

Céline, protagoniste du livre, se voit imposer un autre chemin par ses parents: sa grossesse est cachée, l’enfant à peine né lui est enlevé et elle ne le reverra jamais. Cette décision, censée sauver son honneur et son avenir, entraîne des répercussions sur plusieurs générations.
Au travers d’une narration non linéaire, on suit ainsi l’évolution des quatre personnages principaux et ce que le drame a cassé en eux. Entre secrets et tabous, on avance à tâtons dans cette histoire, «Où la vérité se trouve non pas dans ce qui est dit, mais dans ce qu’on devine», souligne l’auteur.

Quand le passé refait surface

L’enfant arraché à sa mère est placé à l’institut Marini, géré par l’Église catholique. Cet internat fribourgeois, qui a réellement existé, a fait les gros titres il y a quelques années, lorsqu’un rapport sur les maltraitances et abus sexuels subis par les enfants qui y résidaient vers le milieu du XXe siècle a été rendu public. C’est à la suite de ce scandale que Frédéric Lamoth a commencé l’écriture du Chemin des Limbes. Mais c’est une tout autre résonance que le roman trouve aujourd’hui à l’heure où le droit à l’avortement est remis en question dans certains pays. «La situation évoque par à-coups et contre-coups», note l’auteur en faisant référence aux États-Unis où le droit durement acquis vient d’être révoqué.
Même en Suisse, le sujet est de nouveau sur la table. Des initiatives visant à limiter le droit à l’avortement ont été déposées en fin d’année dernière et des manifestant pro-vie se sont mobilisés fin juin à Genève. Ces discussions entamées dans les années 1970 n’ont donc toujours pas trouvé de conclusion. Doit-on s’attendre à un prochain retour des faiseuses d’ange?

TANYA MAEDER
La Côte, 27 juillet 2022


Allez savoir, mai 2022

Il y a du suspense dans la trame pourtant simple de ce roman; de l’intime et du collectif dans ces histoires de vies qui se croisent de loin, ou se rapprochent sans que la distance profonde entre les êtres ne soit jamais comblée. On veut savoir ce qu’il advient de chacun et on avance rapidement, mais comme dans un brouillard que l’on craint un peu de voir se dissiper. C’est l’histoire d’un jeune prêtre dans les années 60 et d’une adolescente à qui sera volée une partie de sa vie. C’est aussi l’histoire collective de la maltraitance infantile dans un contexte helvétique. 

NR


La Gruyère, 14 avril 2022

À travers les brumes et les silences

L’histoire commence en 1960 quand Gilles, un jeune prêtre, débute dans l’enseignement au Collège Saint-Michel. En marchant dans les rues de Fribourg, il surprend sans le vouloir un jeune couple, dont le garçon est un de ses élèves. Peu de temps après, cet adolescent «d’allure revêche», qui écrit de la poésie, met fin à ses jours. Gilles restera marqué par ce drame, tout comme Céline, la petite copine du défunt.
Avec la finesse qu’il développe de roman en roman depuis bientôt vingt ans (La Mort digne, son premier livre, est sorti en 2003, Frédéric Lamoth parvient à un bel équilibre entre l’habileté du récit – coup de théâtre compris – et l’arrière-fond historique, d’une évidente force émotionnelle. Sans trop dévoiler de l’intrigue, disons qu’en avançant sur Le Chemin des Limbes, le lecteur se retrouvera confronté à une tache peu glorieuse de l’histoire fribourgeoise, l’époque des enfants placés et du sinistre institut Marini. L’écrivain vaudois, qui aime é fouiller le passé de la Suisse, avance avec tact dans les brumes des secrets et des non-dits, des silences imposés ou volontaires.

Eric Bulliard


24 heures, 9 mars 2022

Quand le tabou de l’avortement pèse sur les destins

Le Vaudois Frédéric Lamoth explore les conséquences d’une grossesse non désirée sur toute une famille en terres fribourgeoises dans les années 60.

Années 60. Immédiatement, on pense libération des mœurs. Or dans la très catholique Fribourg, il ne fait pas bon attendre un enfant hors mariage, entre avortement à haut risque, entre opprobre général si l’on garde l’enfant ou accouchement clandestin, avec un bébé dont les jeunes mères ne sauront plus rien.
Alors, lorsqu’un jeune prêtre, enseignant au Collège Saint-Michel, se retrouve à aider une adolescente enceinte des œuvres d’un élève de 18 ans, il prend la décision qui lui paraît la plus en accord avec sa conscience, soutenu par le père de la jeune fille, médecin anti-avortement et fervent croyant. Ce court roman explore les conséquences d’un tel choix, et les zones d’ombre d’une réalité peu évoquée.
Après avoir évoqué la Riviera en temps de guerre dans le mémoires fictives Le Cristal de nos nuits, l’auteur et médecin Frédéric Lamoth exhume une page de l’histoire fribourgeoise, levant le voile sur le destin de ces enfants nés hors mariage.
Le roman s’attache à chaque à un personnage différent. Outre Gilles le prêtre et Céline la jeune mère, il y a aussi Marie-Ange et Didier, dont on découvre petit à petit comment ils sont liés à ce drame. L’auteur montre, sans juger mais sans complaisance non plus, le poids décisif d’une unique décision sur plusieurs vies. Car le passé pèse sur les destins, directement ou indirectement. Tout comme la culpabilité, conduisant à des secrets gardés, presque jusqu’à la tombe.

Pays de légendes

L’auteur ancre ce drame poignant qu’on lit d’une traite dans une terre où la dernière femme a été brûlée pour sorcellerie au siècle des Lumières, et où le poids des culpabilités diverses se mesure aux légendes qui courent encore, comme celle de cette âme en peine gémissant la nuit, jusqu’à ce qu’on plante une croix sur sa tombe. Du poids des actes à celui de la morale catholique, un chemin que le récit parcourt en ménageant suspense et empathie pour les protagonistes.

Caroline Rieder


Marie-Claire Suisse, mars 2022

Avec une subtilité empreinte de poésie et d’angoisse, Frédéric Lamoth se coule dans les confessions de trois personnages qui, aux yeux de la bonne société fribourgeoise des années 1960-1970, forment une famille.  Les univers auxquels Gilles, Céline et Marie-Ange appartiennent sont pourtant totalement séparés; seuls les spectres de deux disparus semblent être leur point commun… Une famille dans les limbes, entre rédemption et damnation, incapable de trouver son chemin, ni la paix: dans ce récit bref et poignant, même l’amour semble incapable de susciter l’espoir.



Le Temps, 22 janvier 2022

Sauver la morale, pour le bien de la mère et de l’enfant

Ancré en terres fribourgeoises, « Le Chemin des limbes », de Frédéric Lamoth, rappelle à quel point le tabou et l’interdit de l’avortement pouvaient peser sur les destinées.

Comment traiter le malheur, sauver les apparences et si possible arranger un peu les destins tout en respectant la morale catholique ? Frédéric Lamoth raconte avec force et sobriété une histoire qui constitue une réponse probablement assez courante encore dans les années 1960, voire au-delà, en pays fribourgeois, et sans foute ailleurs, lorsqu’une adolescente se trouvait enceinte. Oui, que faire, quand de surcroît le père n’a lui-même que 18 ans et n’est aucunement en mesure d’assumer une paternité ?

Avorter, diraient le réalisme et la sagesse. C’est d’ailleurs ce que dit le jeune Didier à sa copine Céline : «Il faut avorter. Ce n’est pas si grave. Il n’y a pas d’autre solution.» Mais ce n’est pas si simple pour elle, le réalisme de son copain, un peu poète, ressemble à ses yeux à de l’égoïsme, à de la lâcheté même. Et puis, comment s’y prendre pour annoncer la grossesse à son père médecin, catholique et engagé dans le mouvement anti-avortement ?

Gilles, un jeune prêtre, va jouer un rôle essentiel dans cette histoire qui finira aussi par bouleverser sa vie. Remplaçant au Collège Saint-Michel à Fribourg, engagé, bienveillant, il se heurte pourtant à la défiance de ses étudiants, surtout avec Didier, plus affranchi que les autres, préfigurant peut-être la contestation soixante-huitarde, et pour lequel il éprouve de la sympathie. Le personnage de Gilles est l’une des forces du roman. À 28 ans, dix ans de plus à peine que ses étudiants, il n’est dans le fond pas très éloigné de leurs questionnements malgré sa foi et sa vocation, à vrai dire chancelantes.

Incapable de réagir, de se débattre, de parler de sa situation, Céline chavire dans l’inertie. Acculé, Didier ne trouve d’issue que dans la mort. Rien ou presque ne sera dit sur le suicide du jeune homme. C’est le personnage de Gilles qui va sceller la suite du récit.

La pire issue

Alors que le jeune prêtre se rend sur la tombe de l’adolescent, peu après le drame, il y croise Céline. Portant secrètement l’enfant de Didier, livrée à elle-même, désemparée, elle saisit l’occasion de se confier. Touché par sa détresse, Gilles la réconforte. Mais lorsqu’elle lui écrit pour lui annoncer qu’elle s’est enfin résignée à avorter, le prêtre enfourche sa moto pour éviter pareille issue, le pire à ses yeux. Il intervient résolument pour alléger le fardeau de la jeune fille sans renier sa foi. Il ira lui-même informer les parents de la situation et, d’entente avec le père, décidera de la meilleure manière d’«amortir la chute, étouffer le scandale».

Céline n’aura finalement qu’à accoucher clandestinement, puis elle sera débarrassée de cet enfant dont elle ne saura jamais rien. «Tout va bien, lui dit-on… l’enfant est en sécurité… nous nous sommes occupés de tout…» La morale est sauve et la vie préservée. Il existe des institutions pour cela, ce n’est pas pour rien que «le canton était peuplé de ces orphelins qui finissaient comme valets de ferme». Et comme dit Gilles: « Je n’ai cessé de prier pour que la Providence soit clémente et lui accorde une vie meilleure. Dieu a voulu lui donner la vie. Il faut Lui faire confiance».

La question du destin de cet enfant abandonné à la providence et aux bons soins des institutions catholiques va bien sûr hanter la vie de Céline, et non seulement de Céline, mais encore de la fille qu’elle aura quelques années plus tard. Nous n’en dirons pas plus, afin de ne pas déflorer l’issue narrative de ce roman subtilement construit. C’est cette fille, Marie-Ange, qui tient le rôle de narratrice. Le récit de Frédéric Lamoth a l’élégance de ne pas s’égarer dans des jugements tardifs, ni de considérer le passé avec les lunettes d’aujourd’hui. La narratrice elle-même, qui tombe de haut, s’abstient de juger. «Céline n’avait personne vers qui se tourner. Il voulait lui apporter un peu de réconfort, lui redonner confiance dans la vie et foi en Dieu».

Jean-Bernard Vuillème

La Liberté, 15 janvier 2022

En nos limbes

Frédéric Lamoth » Arpenteur du paysage et de la mémoire suisses, le romancier remonte aux heures sombres du XXe siècle fribourgeois, celui des faiseuses d’anges et des enfants placés. Interview.

La brume enveloppe la campagne fribourgeoise, spectrale, troublée de remords, de vérités tues. Limbes incertains, à la lisière de la mort et de la vie, que Frédéric Lamoth arpente parmi les fantômes, remontant aux années 1960 pour en exprimer toute la pesanteur morale dans un drame familial perclus de silence.

L’écrivain et médecin vaudois aime à interroger en ses histoires le revers de l’Histoire. A l’instar de son précédent ouvrage, mémoires fictives qui cristallisaient la mauvaise conscience de la Suisse pendant le Troisième Reich, il varie ici aussi les focalisations et les temporalités pour suggérer une réalité sociale dont les douleurs muettes n’ont pas fini de hanter le présent. Mais ce Chemin des limbes, d’une écriture sobre bien qu’évocatrice, tient moins du roman historique que du tableau d’époque, documenté bien que pudiquement voilé du brouillard de la fiction. Où la relation qui se noue entre un enseignant au Collège Saint-Michel et une adolescente enceinte prend pour décor notre pays ancien, peuplé de faiseuses d’anges et d’enfants maltraités sous la férule complice de l’Eglise. La fiction, pour mener la conscience collective en son chemin de croix.

Qu’est-ce qui vous a incité à explorer les heures sombres de l’histoire fribourgeoise?

Frédéric Lamoth: Dans la lignée de mon précédent roman qui traitait de la Seconde Guerre mondiale vue de Suisse, j’ai voulu prolonger ce regard romanesque sur les périodes troubles de notre histoire. Ancrée dans les paysages helvétiques, mon écriture s’attache volontiers à des sujets difficiles, ceux que l’on cherche à enfouir dans les mémoires. Et cette histoire fribourgeoise, bien qu’éclairée par le rapport de la commission d’enquête sur l’Institut Marini, demeure une zone d’ombre dans laquelle on avance à tâtons, d’autant que la génération qui pourrait en témoigner est en train de s’éteindre.

En toile de fond, il y a effectivement l’Institut Marini de Montet (Broye), dont une enquête mandatée en 2015 par Mgr Morerod a mis en évidence les maltraitances sur les pensionnaires. Face aux témoignages, quelle est la légitimité de la fiction?

Il se trouve que cette commission d’enquête, citée à la fin de mon roman, a eu grand peine à trouver des témoins qui avaient encore la force et l’envie de parler tant d’années après les faits. L’écriture peut alors offrir une forme de témoignage de substitution, même si elle reste suggestive, s’abstenant ici de décrire dans le détail ce que ces enfants avaient vécu à Marini. J’ai plutôt cherché à transcrire la difficulté à briser le silence, cette forme de honte collective que l’on finit par endosser comme une fatalité.

Pourquoi avoir choisi de placer votre fiction dans la seconde moitié du siècle, alors que cet institut n’était déjà plus sous la responsabilité de l’évêché?

La période 1929-1955 est mieux documentée grâce au rapport d’enquête, et on ne sait pas grand-chose des années qui ont suivi, lorsque Marini est passé entre les mains de diverses congrégations religieuses. On sait seulement que les salvatoriens qui ont repris l’institut au début des années 1960 tenaient auparavant une maison de correction à Drognens, ce qui laisse imaginer quelles devaient être les conditions d’accueil… Je trouvais intéressant de me confronter à ce silence historique, tout en me gardant bien de formuler la moindre accusation dans le roman, où tout se joue dans le non-dit, entre les lignes.

L’écriture romanesque est-elle alors une manière de transmettre cette histoire lacunaire et menacée par l’oubli?

Les rapports, comme celui de la Commission Bergier ou celui sur Marini, proposent certes un travail historique systématique pour explorer ces zones d’ombre, que les témoignages contribuent également à éclairer. Mais cela ne lève pas tous les voiles. L’écriture romanesque permet effectivement, si elle se garde de toute position morale et parvient à susciter l’émotion en rendant ses personnages intimes au lecteur, de transmettre cette histoire aux générations qui ne l’ont pas vécue.

Thierry Raboud


Le Courrier, 13 janvier 2022

Le chemin à l'envers

Le Chemin des Limbes, septième ouvrage de Frédéric Lamoth, raconte une histoire tragique, tristement banale et pourtant universelle.

«Il y a des matins qui viennent sans nous réveiller tout à fait et des rêves qu’on n’oublie pas.» Ainsi commence Le Chemin des limbes, septième ouvrage que Frédéric Lamoth, médecin et écrivain, publie chez Bernard Campiche. En une phrase, la première, tout est dit: le style gracieux d’un auteur qui sait se faire aussi élégant que classique et le goût de la mémoire, teintée d’une mélancolie aux accents flous comme le sont les souvenirs, qu’il cultive dans ses romans et nouvelles.

Nous sommes ici dans les années 1960, à Fribourg. Les jeunes filles qui trop tôt succombent aux avances des garçons doivent en porter seules les conséquences, l’opprobre familiale, le désarroi qui mène au drame, l’arrachement d’un nouveau-né dont on ne leur révèlera même pas le sexe.

L’histoire se fait entêtante et tragique, tristement banale et pourtant universelle. Mais près de Céline évolue un autre personnage soumis à ses propres dénis et questionnements: Gilles, prêtre d’une vingtaine d’années qui va, à la faveur d’un remplacement, se retrouver à enseigner le latin à des adolescents guère moins âgés que lui.

Le destin liera ces deux solitudes de manière inextricable, d’une façon peut-être alambiquée qui n’ôte pourtant rien à l’empathie ressentie au fil de ce court roman.

Le Chemin des Limbes se remonte à l’envers, mêle un certain suspense, l’envie d’une fin heureuse qu’on pressent impossible, et l’exploration des culpabilités humaines, troubles et inconciliables avec le désir, forcément vain, de réparer. Ce roman des failles ouvre une brèche où se dessine la triste réalité de ces enfants perdus, devenus aujourd’hui de vieilles personnes inconsolables.

Amandine Glévarec



RTS 6h-9h, 1er janvier 2022

Evoquer avec délicatesse lʹenfant non désiré, la quête dʹidentité et lʹhypocrisie des années 1960

Frédéric Lamoth publie son septième livre, intitulé « Le Chemin des Limbes ». Les limbes… Cet entre-deux où séjournent ceux qui ne sont pas encore ou plus sur terre, titre qui s’explique assez vite dans le livre, parce qu’on y parle d’un enfant non-désiré, d’un ado désespéré et d’un prêtre défroqué, mais je n’en dirai pas plus sur l’intrigue si ce n’est qu’elle se situe dans les années 60 et dans le canton de Fribourg. L’auteur aborde dans ce roman les thèmes qui lui sont chers: l’identité, la quête de sens, la fragilité d’une mère, les non-dits et le souci des convenances, tout ça avec une vraie empathie pour ses personnages, empathie qui n’enlève rien à sa lucidité sur les dérives de notre société et celles, notamment, de l’Eglise. L’écriture est fluide, simple, avec ce sens de l’observation aigu, qui vient peut-être de la formation de médecin de l’auteur.

Geneviève Bridel








1 commentaire:

  1. Cher Monsieur,
    Je vous indique que je viens d'évoquer "Le Chemin des Limbes" sur mon blog. C'est ici:
    http://fattorius.blogspot.com/2022/01/dans-le-brouillard-des-secrets-qui.html
    Merci pour l'envoi d'un exemplaire dédicacé, ainsi que pour les heures de lecture!
    Cordiales salutations!

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