Le Cristal de nos nuits, une évocation à peine cachée de la nuit de cristal,
ce pogrom perpétré par le troisième Reich en 1938. Un brin pompeux, le titre
cède sous le sous-titre: mémoires. Mais rien d’autobiographique dans ce recueil
de nouvelles. L’auteur revêt le regard de plusieurs personnages, des hommes et
des femmes, qui racontent leurs souvenirs de la guerre depuis la Suisse.
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Malgré la paix,
une Suisse qui souffre, en silence, de ne pas avoir su trouver les mots à
temps. Chaque histoire commence par un souvenir énigmatique, un rêve exprimant
la lourdeur de l’inconscient.
Pesanteur de ce
qui aurait pu être, mais n’a pas été, par lâcheté ou par timidité, sur les
hauteurs de Montreux.
Culpabilité d’un
aviateur devenu violeur, le temps d’un souvenir d’abîme. Culpabilité d’un chef
de brigade, devenu complice de meurtre, par ennui.
Lourdeur de
l’horreur qui nous touche, sans nous effleurer, comme un bombardier anglais qui
s’écrase sur le Grammont. Une réminiscence récurrente dans ces nouvelles.
D’abord, au bord de la fosse aux ours, à Berne, le présage d’un drame:
« Un oiseau est passé dans ce rêve. Un avion de
papier. Un bombardier silencieux qui planait comme
l’ombre de la mort.
[…]
Alors, il y a eu un bruit. En même temps, quelqu’un a poussé un cri. Quelque chose
venait de s’écraser dans la fosse ; cela ressemblait à un ballot largué du
ciel. Il m’a fallu quelques secondes pour comprendre. Cette chose informe,
inerte, c’était un
enfant. C’était Horst. Il avait basculé par-dessus la balustrade. »
Puis le rappel de la fin brutale de l’enfance pour une
jeune fille qui vient de déménager de Saint-Gingolph à La Tour-de-Peilz:
« J’étais presque une adolescente quand nous
avons abordé le sujet de la guerre. Personne n’a parlé
de la formidable explosion de l’avion qui s’était
écrasé
contre le Grammont au milieu d’une nuit d’orage. La
maîtresse semblait ignorer que les Allemands avaient
mené une expédition punitive à Saint-Gingolph,
incendiant le village avec des lance-flammes et
fusillant les habi tants qui n’avaient pas pu prendre
la
fuite. Je n’osais pas en parler ; je n’osais pas
interroger
ma mère qui s’était sauvée ce jour-là avec le bébé
sans
attendre que je revienne. »
Jusqu’aux nuits hantées d’un hôtelier veveysan, habité
par le bruit de cette fameuse explosion sur le Grammont. Ces fantômes sont ceux
de la pudeur, car, ici, comme il le dit:
« … l’histoire est intime ; elle se
transmet au porte
à porte. On la murmure dans des alcôves.
Elle est
semblable à ces petites lumières qui
veillent derrière
la façade, entre des cloisons
hermétiques, dans des
pièces
qui ne communiquent pas entre elles. »
Un reportage de la RTS, par Cecilia Mendoza / S. Bediou, C. Taurisson.
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