mercredi 14 décembre 2016

"Sur fond blanc", (Roman, Bernard Campiche Editeur, 2013)



Deux femmes, Claire et Diane, ont fait leur formation dans l’hôtellerie dans un pensionnat à la montagne et elles se revoient plus de vingt ans après… Unions, vie quotidienne, elles évoquent leur chemin de vie et leurs impressions personnelles du passé.

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Fond blanc de la page pour l’écrivain, du papier sensible pour le photographe, des draps froissés, des paysages de neige… Il y a de tout cela dans le récit en kaléidoscope de ce qui pourrait n’être que les retrouvailles de deux camarades de pensionnat se voyant vingt ans après et qui, par l’alchimie très littéraire, se fond et recompose en tant d’autres images. Découpages et reliefs en camaïeu, à l’ombre de Rilke.

Marie-Claire Suisse



Dans Sur fond blanc, le quatrième roman de Frédéric Lamoth, les belles au bois dormant sont restées endormies. Le narrateur viendra les réveiller en rêvant leur passé

C’est une histoire de princesses devenues grandes, celle de deux femmes endormies qui attendent peut-être – ou peut-être plus – le prince charmant. Il est possible que le narrateur soit ce prince providentiel. Il est celui, en tout cas, qui, par la force de son récit, réveille l’histoire en sommeil des deux femmes.
Il les voit d’abord en photo, au fond d’une discrète galerie d’art lausannoise où s’exposent des paysages enneigés. Le ton est donné: tout le roman sera blanc, comme ces images, comme les fantômes du passé. Puis le réel surgit. Voici Diane et Claire, attablées dans un café, non loin de là. «J’ai cru voir encore ces deux visages de femmes qui conjuguaient leurs rêves en fermant les yeux sur le passé, l’histoire, le temps des illusions et toute forme de nostalgie qui nous aurait précédés. En fermant les yeux sur moi.»
C’est l’histoire de leur jeunesse, celle de deux étudiantes en hôtellerie dans un internat au-dessus de Montreux, qui se déroule ensuite. On y rencontre un jeune homme pâle, tuberculeux, séduisant; il y a un mariage distant, un hôtel, des soirées bizarres, des nuits blanches. Tout un monde qui se déplie peu à peu, nostalgique, suspendu, inachevé. Le lecteur avance dans un paysage littéraire qui évoque un peu Patrick Modiano ou Marguerite Duras, à qui Frédéric Lamoth semble rendre hommage.
Entrelaçant de multiples thèmes, les contes, le mythe de Merlin, l’ambiguïté des rapports entre hommes et femmes, la photographie, le destin particulier de chacun, la jeunesse perdue, Frédéric Lamoth – dont Sur fond blanc est le quatrième roman après La Mort digne, Les Sirènes de Budapest et Orion (tous chez Bernard Campiche) – tisse un récit qui recouvre Lausanne et la Riviera vaudoise d’un fin glacis romanesque…

ÉLÉONORE SULSER, Le Temps


C’est le quatrième roman que l’écrivain publie chez Bernard Campiche après La Mort digne, Les Sirènes de Budapest et Orion. Né à Vevey en 1975, Frédéric Lamoth s’enrichit de deux cultures: celle, hongroise de son père et celle, cuisse, de sa mère. Après avoir fréquenté le Gymnase cantonal de la Cité, il entre à l’université de Lausanne et en ressort médecin. Une profession qu’il partage avec celle d’écrivain.
L’histoire est une esquisse plutôt qu’une toile panachée de couleurs avec sa dominante de blanc et de gris. Car les couleurs cachent l’essentiel. Légère et grave à la fois en est la trame. Dans une rue de Lausanne, le narrateur découvre une galerie d’art de photographies. Son regard est magnétisé par la dernière: deux visages de femmes endormies côte à côte sur fond blanc. Dans un café, il observe deux femmes immergées dans une conversation animée. C’est alors qu’il ébauche une histoire. Il nomme ses héroïnes Diane, la femme qui vient de la nuite et Claire pour celle qui attent dans la lumière «déesses d’un rythme primitif et oublié qui partagent le même sanctuaire.»
Claire et Diane ne se sont pas revues depuis vingt ans, depuis l’époque où elles suivaient une formation dans l’hôtellerie dans un pensionnat à Leysin. Elles ont toute la nuit pour évoquer cette tranche de vie avec des mariages qui ne les comblèrent, ni l’une ni l’autre. Mais surtout c’est Lorenzo, le bel aristocrate italien, leucémique et mort à la fine fleur de l’âge qui ravive les souvenirs. Elles avaient tout juste vingt ans.
L’histoire se déroule en Suisse, dans des lieux très précis. Mais elle touche à l’universalité. La langue est épurée. Le roman se lit d’une traite. Et s’achève sur cette photo prise par Jürgen, étonné par le tableau qui s’offre à ses yeux. «Le sommeil semblait transformer la réalité en rêve.» Et si la réalité n’était, après tout, qu’un rêve éveillé?

ÉLIANE HINDI
, L'Omnibus

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